Victor, 4 ans, interroge : « J’ai été mort combien de fois avant d’être vivant ? »
En cette veille de Toussaint, il est opportun de rappeler que la façon dont un enfant envisage la mort diffère selon sa culture d’origine, son contexte familial, et bien sur, son âge.
Que s’imagine-t-il ? Comment lui en parler ? Faut-il même le tenir au courant du décès d’un proche, et de surcroit, l’emmener à la cérémonie d’enterrement ?
Annoncer le décès d’un proche est, certes, pénible et délicat, mais la vérité est toujours préférable au silence et au doute angoissants. La notion de mort, longtemps réversible pour l’enfant, n’est pas aussi tragique que pour les adultes. Si il nous voit en souffrance, il est important de mettre des mots sur notre propre tristesse et l’aider à exprimer ses sentiments, libérer ses émotions d’enfant.. Avec simplicité, on peut donner des explications de base, en fonction de l’âge du jeune et de nos croyances. La mort fait partie de la vie, il existe des cultures où les enterrements, la célébration des défunts, et l’idée même de la mort, ne sont pas aussi tristes que chez nous.
Il est cependant important de lui éviter toute représentation macabre et morbide : ne pas lui montrer le corps du défunt s’il n’est pas à l’image de la personne qu’il a connue vivante. Des visions trop pénibles l’empêcheraient d’imaginer une autre forme de vie de la personne disparue, alors que cela lui est nécessaire. Comme pour les adultes, un être cher reste toujours vivant dans le cœur et la mémoire.
L’enfant attend avant tout des réponses concrètes et rassurantes. Sans broder, et selon nos convictions philosophiques et religieuses, on peut expliquer ce que l’on croit et qu’il existe d’autres façons d’envisager ce qui se passe après. Eviter le « long sommeil », cela pourrait engendrer des insomnies. Quoiqu’il en soit, il faut dire à l’enfant que la personne ne reviendra pas, que c’est normal d’avoir du chagrin, et qu’il n’est en rien responsable de la mort de cette personne. Car il peut imaginer que c’est à cause de sa dernière grosse bêtise que le drame a eu lieu.
A un enfant qui lui parlait de sa peur de mourir, Françoise Dolto répondait ; « Nous mourrons quand nous aurons fini de vivre. As-tu fini de vivre ? Non, répondit l’enfant. Alors ?… »
Parler de la mort en fonction de l’âge de l’enfant :
Jusqu’à 3 ans, l’enfant imagine que si la personne n’est plus là, c’est qu’elle est ailleurs ! Répondre le plus simplement que la personne est morte, qu’elle ne reviendra pas, mais qu’elle restera toujours un joli sentiment dans notre cœur.
A partir de 4 ans, certains enfants comprennent que la mort signifie absence de vie. Les enfants des villes, moins confrontés à la mort réelle,(telle que l’immobilité d’un cadavre d’animal), ont plus de difficulté à se représenter la mort.
Vers 8, 9 ans, l’enfant réalise que lorsqu’on meurt, c’est pour toujours. D’où des angoisses de mort transitoires à ces âges-là. L’enfant a peur de perdre ses parents, de se retrouver seul, coupable alors de ses envies d’émancipation naissantes.
C’est à partir de cet âge-là que la cérémonie d’enterrement aide l’enfant à réaliser la perte définitive. Grâce à ce rituel, un travail psychique de compréhension, d’expression des émotions (chagrin, colère, peur, etc.) permet d’élaborer une relation différente avec le défunt pour continuer à vivre et à grandir.
Pour les adolescents, les réactions peuvent être paradoxales et contrastées : Selon le lien que le jeune avait avec le disparu, suivant sa maturité, et le soutien qu’il rencontre auprès de sa famille et de son groupe d’amis, il peut s’effondrer, être pris de pulsions morbides ou gagner très vite en affirmation de soi. Mais, attention, on se croit fort et on est bien fragile à cet âge-là.
Parler, écouter, exprimer, comprendre, dépasser.
C’est en parlant, en accueillant les émotions, en évoquant ensemble l’être disparu au hasard d’une photo ou d’un souvenir que l’enfant fera ainsi son « travail de deuil ». Son environnement : Un quotidien stable, les activités scolaires et les loisirs conservés, l’aide à trouver des repères sécurisants. Cela permet au deuil de s’inscrire dans la vie, d’éviter de s’enfermer dans sa peine, et de montrer aux enfants qu’il est bon de vivre pleinement la vie qui continue.
Petits ou grands, la mort nous touche tous. C’est l’une des plus douloureuses épreuves qui soit. Elle nous terrasse et nous grandit. Et si son mystère reste entier, le défi du « travail de deuil » est d’aimer au-delà de la vie, autrement et parfois mieux.
Pour trouver du soutien :
Dans le chapitre 1 sur le même thème, je vous avais proposé des livres et des sites d’associations. Pour aider les parents à comprendre ce que vivent leurs enfants qui perdent un frère, une sœur, un ami, je conseille l’ouvrage : « Vivre sans toi…Témoigner après la mort d’un frère ou d’une sœur ». De A.Triponel et N.Hamza, ed.Chronique sociale.
Association Kevin http://lenfantsansnom.free.fr/page/LIEN%20Kevin%20association.htm
Pour les enfants, voici quelques livres illustrés ; ils peuvent servir de guide, les aider à exprimer leurs émotions et surmonter leur chagrin.
. Pour Les 3/4 ans :
« Les questions des tout-petits sur la mort » de Marie Aubinais, ed. Bayard Jeunesse
« Tu seras toujours avec moi ». De Mariko Kikuta, ed. Albin Michel.
. Pour les 5/ 6 ans « C’est quoi Mort » de Olivier Solminihac et Isabelle Bonnameau , ed. Ecole des loisirs.
« Grand-père est mort » de Dominique Saint Mars, ed. Calligram.
. Pour les 7/8 ans
« La vie et la mort » de Brigitte Labbé et Michel Puech, ed. Milan, collection Les Goùters philo.
« La grève de la vie » de Amélie Couture et Marc bonnavent, ed. Actes Sud Junior
Patricia Serin, Octobre 2010
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