A l’instar d’Hildegarde de Bingen, Rita Lévi-Montalcini. Un hommage à une autre femme remarquable
Prix Nobel de Médecine en 1986, la célèbre neurobiologiste continue à 103 ans à aider passionnément les autres, ce qu’elle a fait toute sa vie
« Beaucoup de gens ignorent que notre cerveau est constitué de deux cerveaux », explique-t-elle. « Le premier, archaïque, constitué par le système limbique, n’a pratiquement pas évolué depuis trois millions d’années. Celui de l’Homo sapiens ne se différencie guère de celui des mammifères inférieurs. C’est un cerveau petit mais qui possède une puissance extraordinaire. Il contrôle tout ce qui se passe en matière d’émotions. Il a sauvé l’australopithèque quand celui-ci est descendu des arbres, lui permettant de faire face à la férocité du milieu et de ses agresseurs. L’autre cerveau, beaucoup plus récent, est celui des fonctions cognitives. Il est né avec le langage et, au cours des 150 000 dernières années, il s’est développé de manière extraordinaire, en particulier grâce à la culture. Il se trouve dans le néocortex. Malheureusement, une bonne part de notre comportement est encore gouvernée par notre cerveau archaïque. Toutes les grandes tragédies – la Shoah, les guerres, le nazisme, le racisme – sont dues à la primauté de la composante émotive sur la composante cognitive. Or le cerveau archaïque est tellement habile qu’il nous porte à croire que tout est contrôlé par notre pensée, alors que ça ne se passe pas du tout ainsi ».
Le mal ne serait donc pas seul embusqué dans le cerveau archaïque, mais on devrait y trouver aussi l’amour, la passion, l’affection… Cela n’a pas l’air de surprendre RLM. Sur ce thème, elle spécifie : « D’accord, la composante émotive n’est pas uniquement négative ; Depuis l’époque d’Hypatia* jusqu’à nos jours, on a dit que, dans le domaine scientifique, l’homme est génétiquement supérieur aux femmes, mais il n’en est rien. Génétiquement, hommes et femmes sont identiques. Mais ils ne le sont pas du point de vue épigénétique, c’est-à-dire en ce qui concerne leur développement, car celui de la femme a été volontairement freiné. Dans mon livre Le tue antenate [“Tes ancêtres”, éditions Gallucci], je présente soixante-dix portraits de femmes qui furent des génies, en commençant par Hypatia. Elles ne sont pas nombreuses, c’est vrai, mais autrefois la culture n’était accessible qu’à une élite restreinte et aux femmes juives, parce que chez les Juifs la culture était tenue en telle estime qu’elle passait avant les différences de sexe ».
Qu’en est-il aujourd’hui? « Aujourd’hui, raconte-t-elle, la situation est meilleure. Pas comme je le voudrais, mais elle est meilleure. Seulement, hélas, dans cette partie du monde que nous appelons ‘civilisé’. En Afrique, il y a des milliers de femmes intelligentes qui n’ont pas la possibilité d’utiliser pleinement leur cerveau. L’instruction est la grande tâche à laquelle je me suis attelée en Afrique [à travers la Fondation Rita Levi-Montalcini]. En quelques années, nous avons distribué 6 700 bourses d’études, qui couvrent les dépenses, de l’enfance à la formation postuniversitaire. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà quelque chose. Quand j’avais 20 ans, je voulais aller en Afrique soigner les lépreux. Quand j’y suis allée, j’étais déjà vieille, c’était pour soigner l’analphabétisme, qui est bien plus grave que la lèpre ». Dans les pages de la brochure de l’EBRI et en parcourant les couloirs de la Fondation, on voit surtout des noms de femmes. On se demande alors comment elles font pour concilier leur vie de chercheuses et leur vie familiale.
RLM souligne que « ce sont toutes des femmes extraordinaires. Certaines sont mariées, d’autres divorcées, d’autres vivent en union libre. Cela n’a aucune importance. Toutes sont excellentes. Et pourquoi donc ? Parce que les femmes ont été entravées pendant des siècles. Quand elles ont eu accès à la culture, elles ont été comme des affamées. Et la nourriture est bien plus nécessaire à l’affamé qu’à celui qui est déjà rassasié ».
Source : article de Paolo Giordano dans Courrier International
Diaporama La vie en abondance neurologue-rita-levi-montalcini-r-1 (1)
« Le cerveau intuitif est un don sacré et le cerveau rationnel est un serviteur sur lequel on peut compter. Nous avons créé une société dans laquelle nous honorons le serviteur et oublions le don » Albert Einstein
*Hypatie d’Alexandrie (370-415) est une mathématicienne et une philosophe grecque.
L’historien chrétien Socrate le Scolastique rapporte dans son Histoire ecclésiastique (vers 440) :
« Il y avait à Alexandrie une femme du nom d’Hypatie ; c’était la fille du philosophe Théon ; elle était parvenue à un tel degré de culture qu’elle surpassait sur ce point les philosophes, qu’elle prit la succession de l’école platonicienne à la suite de Plotin, et qu’elle dispensait toutes les connaissances philosophiques à qui voulait ; c’est pourquoi ceux qui, partout, voulaient faire de la philosophie, accouraient auprès d’elle. La fière franchise qu’elle avait en outre du fait de son éducation faisait qu’elle affrontait en face à face avec sang-froid même les gouvernants. Et elle n’avait pas la moindre honte à se trouver au milieu des hommes ; car du fait de sa maîtrise supérieure, c’étaient plutôt eux qui étaient saisis de honte et de crainte face à elle ».(source : Wikipédia)
Laisser un commentaire